L’espoir de renaviguer avant l’été est définitivement perdu. Du coup, il faudra trouver une solution sûre pour laisser le bateau aux Antilles pendant la saison des cyclones. Nous reviendrons à l’automne finaliser les réparations avant de passer un deuxième hiver dans les Caraïbes, puis rentrer en Europe pour l’été 2015. Beaucoup d’autres plaisanciers pratiquent cette formule, certains depuis des années, et cela nous permettra de reprendre notre croisière interrompue brutalement en ce 25 janvier de sinistre mémoire.

Une nouvelle visite pleine de charme s’annonce pour la première quinzaine de mai, et ce sera l’occasion de reprendre la découverte de la Guadeloupe et de son merveilleux archipel avec Maïlys et Christophe.

Mais en attendant...........

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.........j’ai pu profiter d’une opportunité exceptionnelle en ce temps de pénitence. Je viens de rentrer d'une grosse semaine dans l'île de Saint Barthélémy (triste nom pour un admirateur d'Henri IV comme moi) et participer aux "Voiles de St Barth", invité par un club de voile de Pointe à Pitre "Les p'tits filous", tout un programme.

Cet évènement très sportif et un peu mondain rassemble chaque année, pendant la semaine sainte, une soixantaine de voiliers de 24 à 120 pieds (7,5 m à 36 mètres) y compris des multicoques, répartis dans 7 classes, originaires du monde entier, même d’Australie et Nouvelle Zélande. Les plus nombreux venaient des USA (St Barth est presque dans leurs eaux) mais les plus beaux étaient incontestablement les européens, surtout du nord, Suédois, Anglais notamment. Evidemment il y avait aussi de nombreux français qui sont ici chez eux, dont quelques antillais, et quelques italiens.

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J'étais équipier parmi onze hommes et femmes sur un A40, qui ont mené ce joli bateau de course de 12 mètres, sponsorisé par Lipton, équipé de voiles superbes, à la 5ème place sur 10 dans notre classe (première moitié, de justesse). Il faut dire que notre skipper avait réussi à convaincre un régatier de haut niveau d'embarquer pour nous coacher afin de tirer le meilleur parti du matériel. Nous étions partis à trois bateaux, les deux autres servant surtout de dortoirs et de cambuses car il était inenvisageable que tous les équipiers dorment et se nourrissent sur le bateau de course.

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Le rapide convoyage aller, parcouru au portant en 24h, dans de bonnes conditions avait cependant permis de mesurer à quel point un bateau sportif est inadapté au confort d’un équipage en croisière. Une fois arrivés sur place, la préparation du bateau et un premier entrainement ont permis de découvrir le plan d’eau et…..de perdre une annexe qui, mal amarrée, s’est échappée pendant la première nuit.

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Nous n’en avions plus que deux (33% de pertes), pour trois bateaux et 24 personnes, ce qui occasionnait quelques contraintes lorsque chacun voulait aller prendre sa douche à terre, faire un shopping ou… la bringue, pour certains.

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Les rĂ©gates, parfaitement organisĂ©es les mardi, mercredi, vendredi et samedi saints, dĂ©marraient Ă  10h. Un petit compte Ă  rebours simple dĂ©montrait qu’il fallait mettre le rĂ©veil (souvent inutile compte tenu de l’inconfort) Ă  7h, pour ĂŞtre prĂŞts Ă  temps. Le mardi soir, en rentrant de la rĂ©gate du jour, notre annexe, laissĂ©e sur notre mouillage, avait elle aussi disparu : 66% de pertes cela commençait Ă  poser un sĂ©rieux problème.

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Heureusement un bateau du comité de course l’avait récupérée en mer, son amarre pendant à la verticale, et nous l’avons retrouvée le soir, au port. Entre temps nous avions cherché notre ancre, en plongée et avec succès, par 7 mètres de fond et pu y repasser une autre amarre. Ouf, nous revenions à 33% de pertes, ce qui reste quand même fort, et révélateur d’un petit manque de rigueur !!!!

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Il y a eu une soirée des équipages avec barbecue géant sur la plage le mercredi soir et, après la remise des prix du samedi, un beau feu d’artifice tiré depuis le fort dominant le port, aujourd’hui caserne de gendarmerie.

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Les deux premiers jours de régates ont été courus par temps médium (10-15 nœuds de vent) et les deux derniers dans un alizé fort (20-25 nœuds, rafales à 35). Le troisième jour, un grand voilier américain, Bella Mente, a démâté pendant la procédure de départ, sans faire de blessé heureusement. Certainement une lourde facture pour le propriétaire de ce superbe bateau de trente mètres équipé d’un mât en carbone de plus de 40 mètres et de voiles high-tech dernier cri, abandonnés sur place et irrécupérables.

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Spectacle magnifique sur cette mer bleu-marine, parsemĂ©e de moutons blancs levĂ©s par les alizĂ©s, sous un soleil vertical, immortalisĂ© par des photographes de renom embarquĂ©s sur des puissantes vedettes, un autogyre et mĂŞme un drone volant magnifiquement dans les rafales de l'alizĂ©. Les superbes voiliers gĂ©ants aux voiles parfaites, avec leurs Ă©quipages en uniforme venant des deux cĂ´tĂ©s de l'Atlantique et du Pacifique, offrent toute une gamme d'Ă©motions devant un tel Ă©talage de luxe, de beautĂ©, d'efficacitĂ©, de performances, d'engagement,...etc. A couper le souffle ! Site internet pour en savoir plus ou dĂ©guster les photos et vidĂ©os : http://www.lesvoilesdesaintbarth.com/site/

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En plus, cette petite île du bout du monde est splendide, entourée d'îlots, cailloux, récifs, barrières de corail, plages blanches,... et j'en passe.

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Les parcours de régates permettent, malgré les manœuvres incessantes, de les découvrir de la mer, et le jeudi, journée "off", de la terre, avec une voiture de location.

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J'ajouterai que ce confetti de terre française, collectivitĂ© territoriale rattachĂ©e administrativement Ă  la Guadeloupe, est d'une prospĂ©ritĂ© incroyable, ayant misĂ© Ă  fond et avec succès, depuis des dĂ©cennies, sur le tourisme haut de gamme. Tout est beau, propre, et... branchĂ© ! Comme quoi il n'y a pas de fatalitĂ© Ă  la crise, et une communautĂ© dynamique et organisĂ©e, travaillant dur, peut gagner, mĂŞme en France !

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Les presque neuf mille habitants actuels sont surtout des descendants des colons français et suédois (pendant un siècle après un accord entre louis XVI et Gustav III de Suède, d’où le nom de la capitale Gustavia) qui ont occupé ce territoire pauvre, depuis le dix-septième siècle. L’absence de grandes plantations, n’a pas incité les colons à importer des esclaves, sauf de manière marginale, si bien que la population actuelle est presque entièrement d’origine européenne et blanche.

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L’achat d’une propriété par David Rockefeller en 1957, marque un tournant dans l’économie de l’île avec le développement du tourisme haut de gamme. Depuis, les propriétés de luxe occupent une bonne partie de l’île dans de somptueux aménagements immobiliers. La sécurité comme la propreté sont des arguments qui attirent de plus en plus de jet setters et de familles fortunées à s’y installer. Les prix sont à la hauteur de cette population nouvelle, tant dans l’immobilier que pour le ravitaillement courant, même si certaines particularités fiscales mettent quelques produits comme les alcools fort, à un prix très bas.

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Chaque supĂ©rette possède une cave Ă  vins français abondante et luxueuse, car les amĂ©ricains en raffolent. Toutes les grandes marques mondiales du luxe (joaillerie, horlogerie, mode, cosmĂ©tique, maroquinerie, …) y ont pignon sur rue et la capitale Gustavia fait penser Ă  un petit mĂ©lange concentrĂ© de St Tropez, Cannes, Porto Cervo ou Capri par exemple. Vraiment stupĂ©fiant ! Les nombreuses et luxueuses plaquettes et revues, Ă©ditĂ©es localement sur papier glacĂ©, prĂ©sentent tous les aspects et Ă©vènements de ce petit paradis de milliardaires. A cĂ´tĂ© d’elles, un magazine chic comme le Figaro Madame ferait presque figure de gazette de bidonville.

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Cette expĂ©rience fĂ»t vraiment intĂ©ressante et si c'Ă©tait Ă  refaire je la referai. Mais, la prochaine fois, pas dans les mĂŞmes conditions d'hĂ©bergement très spartiates, pour ne pas dire « tiers-mondistes », Ă  bord de ce petit bateau sans eau (sauf des bouteilles d'eau minĂ©rales), sans gazinière opĂ©rationnelle ni allumettes, et presque sans Ă©lectricitĂ© (heureusement que j'avais pris ma lampe frontale), dans une promiscuitĂ© et une saletĂ© indescriptible (le fuel, rĂ©pandu sur les rares planchers et dans la cale, ça glisse, grave !), au milieu des sacs poubelles crevĂ©s, des conserves non identifiĂ©es, des bouteilles et canettes vides, des aussières ou Ă©coutes trempĂ©es salĂ©es sentant le gas-oil et emmĂŞlĂ©es, ou des sacs Ă  voiles Ă©normes occupant le peu d'espace libre...etc.

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Et en plus nous Ă©tions au mouillage (la place Ă  quai est inabordable et de toute façon agitĂ©e par un fort ressac), dans une rade mal abritĂ©e donc très rouleuse, sans annexe suffisante, avec les drisses qui claquent en permanence et au milieu d'une bande de jeunes hyper sympas et drĂ´les, mais adorant la musique reggae, les pĂ©tards, l'alcool et les cigarettes, mĂŞme Ă  l'intĂ©rieur….Imaginez les trĂ©sors de patience et de tolĂ©rance qu'il m'a fallu dĂ©ployer pour survivre Ă  peu près dignement !

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Le convoyage retour vers Pointe Ă  Pitre, contre un fort alizĂ©, et longuement sous une pluie battante, Ă  25° certes, mais la nuit il finit quand mĂŞme par faire froid lorsqu'on est trempĂ© jusqu'Ă  l'os sur un bateau sans capote, ni bimini, ni pilote automatique, ni panneaux de ponts Ă©tanches, sous les embruns Ă  27° qui paraissent bien chauds, fut une vraie Ă©preuve. Je n'avais plus un vĂŞtement sec et heureusement mon sac Ă©tanche m’a permis de prĂ©server les quelques appareils hi-tech que j'avais emportĂ©s. J'avoue admirer la femme du skipper, une charmante australienne d'origine chinoise enceinte de 6 mois et accaparĂ©e par leur fille de deux ans (bilingue dĂ©butante et adorable) d'avoir fait ce parcours, ballottĂ©e Ă  l'intĂ©rieur par une mer dure, Ă  nourrir, changer et distraire son bout de chou, sans aĂ©ration, sans lumière, sans eau, sans main courante pour se tenir, s'allongeant sur des matelas et des serviettes humides, et tout cela en prĂ©parant des repas.... sans broncher ; chapeau bas madame !

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En arrivant, reprenant ma vie douillette à bord de Dartag, j'en ai dégusté le confort avec un plaisir mal dissimulé et j’ai pu me reposer de cette semaine stimulante, me raser, et soigner mes coups de soleil sur le nez et mes lèvres gercées par le sel. Après les grosses lessives indispensables, j'ai renoué avec le rythme des ti'punch chez les uns ou chez les autres amarrés au ponton d'accueil de la marina Bas du Fort, avec la perspective de regagner la France prochainement pour quelques semaines.

Bref une pénitence pas si épouvantable que l'on pourrait le croire. A bientôt.....sans doute.