La soirée au mouillage dans le Blue Lagoon de Comino aurait pu être plus calme. Après le disco entendu tout l'après-midi sur les bateaux voisins, nous avons subi une débauche inimaginable de décibels, avec tous les tubes des années 70 à 90, diffusés sur une grosse caïque arrivée discrètement, juste avant la nuit, portant environ une centaine de clients ayant envie d'en découdre avec un disc jockey fou de macarena. Plutôt que d'en pleurer, nous avons choisi d'en rire et même d'en profiter comme les bateaux voisins qui ont déclenché un feu nourri de flash pour immortaliser les scènes torrides qui se déroulaient sur le pont de la goélette. Mais à 22h30 précises, couvre-feu total et imprévisible. Nous en sommes presque restés un peu sur notre faim, et avons dû nous résoudre à aller dormir, le spectacle étant terminé. N'oublions pas cependant que Gozo, l'île voisine, est le lieux où Calypso a retenu Ulysse comme esclave d'amour pendant plusieurs années après l'un de ses naufrage.



Dimanche (jour de la pentecôte) ce sont les explosions des feux d'artifice, traditionnels ici parait-il, qui ont balisé la matinée, couvrant les carillons de cloches des églises voisines. Mais nous n'en avons pas profité longtemps, car le temps était très propice à une navigation agréable vers La Valette. Plusieurs voiliers, probablement en régate, sont passés sous spinnaker entre Gozo et Comino, nous proposant un défi qu'il était vraiment impossible de ne pas relever. Et, avec une joie non dissimulée, nous avons retrouvé la niaque d'un équipage de compétition, confronté à la dure loi des virements de bords, pour arriver en début d'après-midi dans le port principal de Malte, en ayant rattrapé trois voiliers et sans s'être fait dépasser par un seul. Un délice que seul les voileux peuvent vraiment apprécier. Marie en était toute excitée, comme vous pouvez l'imaginer.

Malte & les pêcheurs

Quant à Alain, il en est presque tombé d'inanition une fois l'entrée du port franchie, roulant la presque totalité de la voile pour gagner la Marina Msidia le plus lentement possible afin de profiter du spectacle exceptionnel que cette ville fortifiée peut offrir aux navigateurs, toute en pierre jaune-ocre avec ses coupoles rouges et ses immenses oriflammes flottant au vent partout. Comme un rêve, après tant d'efforts victorieux.

Fort San Angelo



En l'absence de réponse des autorités maritimes du port aux appels VHF, nous avons résolus de nous installer à une place libre, conseillés par un plaisancier qui savait que celle qu'il nous a indiquée resterait libre quelques jours. Bingo. Il nous suffisait de régulariser la situation le lendemain lundi, non férié à Malte, et nous étions prêts pour visiter cette ville et cette île, pendant les deux coups de vent annoncés pour les jours suivants.

dartag à Msidia



Les deux vélos embarqués cette années ont été très précieux, malgré les pentes de certaines rues, pour découvrir le richesse de l'histoire de La Valette construite essentiellement à partir de 1574, par les chevaliers de Saint-Jean. Ils s'étaient repliés sur Rhodes plusieurs siècles après la déconfiture des croisades et les pertes successives des places fortes chrétiennes d'orient en particulier de Saint Jean d'Acre et de Constantinople, et Charles Quint leur avait offert de s'installer à Malte en 1530. Chaque communauté, allemands, français, italiens, espagnols,..etc bâtissait son propre quartier et était responsable de sa défense, le commandement de l'ensemble étant assuré par l"un des chefs de chacune de ces communautés, lors de tentatives d'invasion de grande ampleur qui ont été nombreuses, notamment de la part des Ottomans, leurs ennemis éternels. Mais les alliances soigneusement alternées avec les voisins européens, y compris le Pape, et la ténacité des habitants ont eu raison de toute ces tentatives, au prix parfois de massacres épouvantables. L'île est restée chrétienne et en manifeste partout sa fierté. Cet héroïsme et cette détermination ont encore été mis à l'épreuve pendant la seconde guerre mondiale au cours de laquelle elle a échappé à l'envahissement des armées allemande et italienne. Cette période très dure est rappelée à tous les coins de rue par des plaques commémoratives de la bravoure des habitants et de leur parfaite entente avec les démocraties occidentales, en particulier la Grande Bretagne, le Canada, la France, les U.S.A et leurs alliés.

La culture des maltais est complètement imprégnée de bravoure, d'héroïsme et de résistance à l'envahisseur. La dernière date la plus importante, après l'indépendance en 1964, est l'appartenance à l'Europe en 2004 et l'intégration dans la zone Euro. Ouf, c'est plus pacifique. Aujourd'hui, cet état européen de moins de 400 000 habitants respire la prospérité fondée sur son travail et sans doute aussi sur son caractère discret de paradis fiscal. La flotte de plaisance maltaise, qui étale de très nombreuses grandes unités à voile et à moteur dans les différentes marinas des ports de La Valette, en est un indice révélateur. Mais aussi l'importance de l'urbanisation nouvelle, essentiellement touristique, les rénovations urbaines, la réhabilitation des quais et anciens entrepôts, avec les centaines de grues visibles partout. A noter également l'omniprésence de sortes de bow-windows sur les façades, qui traduit sans doute l'influence anglaise, de loin la plus longue et la plus pacifique de l'ère moderne.

Rue de la République

Mais l'histoire de l'archipel n'a pas commencé au 16 ème siècle. Le peuplement remonte à plus de 6000 ans avant JC, et en a fait un véritable creuset de toutes les civilisations de la Méditerranée. Plusieurs sites de catacombes en témoignent.

Catacombes

Après les phéniciens et carthaginois, ce sont les romains qui administré l'archipel pendant cinq siècles et y ont fondé l'ancienne capitale Mélita où aurait séjourné Saint Paul en l'an 60 qui s'était caché dans une caverne après un naufrage sur Malte. La chute de l'empire a été l'occasion pour les arabes barbaresques d'Afrique du nord de s'y installer, rebaptisant la capitale Mdina et la séparant de ses faubourgs renommés Rabat. L'invasion Normande sous Roger II en 1091 est le départ d'une rechristianisation des îles, et de la fondation d'une noblesse locale qui a très mal ressenti l'arrivée des chevaliers de Saint-Jean. Mais elle a su finalement s'allier avec eux pour défendre les îles contre les envahisseurs arabes ou ottomans, notamment, et contre toute attente victorieusement, au cours du grand siège de 1565, repoussé après quatre mois de combats acharnés. Toutes les églises de l'archipel ont été construites ou reconstruites à partir de cette date et constamment embellies et enrichies depuis. Le style Baroque domine largement et des œuvres d'art significatives y sont conservées comme "Saint Jérome" ou "la décollation de Saint-Jean Baptiste" de Caravage dans la cathédrale Saint Jean de La Valette. On trouve également au musée de Mdina une importante collection de dessins et gravures sur cuivre de Albrecht Dürer.

coupole St Paul Mdina

Caravage martyr de St Jean

Nous avons profité du formidable réseau de bus de Malte (prix unique 0,47 euro quel que soit le trajet et des cadences incroyables) pour circuler en dehors de la capitale et en particulier ce mercredi pour visiter Rabat et Mdina. Ces deux villes contigües nous ont passionnés, par leur histoire et leur patrimoine parfaitement conservé et mis en valeur. Les musées et circuits de visite avec audio-guide en français pullulent et nous n'avons pas pu profiter de tout. Mais que de beauté et de richesses. Des remparts de Mdina on peut voir une grande partie de Malte et constater ainsi que, si l'urbanisation est véritablement très intense, il reste une agriculture active, matérialisée pas des champs de céréales (la moissons du blé est en cours), de légumes, d'arbres fruitiers et de cultures sous serres assez nombreuses. Une question reste pour nous sans réponse pour le moment qui sera la troisième énigme que nous vous soumettons aujourd'hui: d'où vient toute l'eau douce nécessaire à une telle activité urbaine, touristique, agricole, industrielle, dans un pays a priori si sec, si isolé et sans montagne ?

des champs à Malte



Merci d'avance pour vos contributions.