En rentrant de l’excellent diner que m’avaient offert Marco et BĂ©nĂ© sur leur superbe « PĂ©gase Rider », j’ai failli ne pas retrouver Dartag dans l’immense mouillage du Marigot Ă  St Martin. Finalement, il m’attendait sagement Ă  l’endroit oĂą je l’avais laissĂ© quelques heures auparavant rongeant son frein en attendant mon retour.



Du coup, j’ai décidé de partir rapidement pour profiter d’un créneau météo qui me paraissait favorable. Levé à1h le dimanche matin, j’ai levé l’ancre à 1h10 avec l’idée d’arriver aux Iles Vierges (terre inconnue pour moi) alors que le soleil était encore bien haut dans le ciel.



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La traversĂ©e fĂ»t un rĂ©gal, presque vent arrière, gĂ©nois tangonnĂ© Ă  babord avec une brise d’ESE 15 Ă  20 nĹ“uds au dĂ©part, fraichissant Ă  18-25 nĹ“uds Ă  l’arrivĂ©e. 12 heures pour 84 milles sans toucher Ă  la barre ni aux Ă©coutes ! Cela m’a rappelĂ© les bonnes journĂ©es de ma traversĂ©e de l’Atlantique il y a dĂ©jĂ  plus de deux ans.

les iles Vierges tirent leur nom de leur beautĂ© et de leur nombre selon Christophe Colomb, en hommage aux 11 000 compagnes de St Ursule assassinĂ©es par les Huns au 5ème siècle. Quelle Ă©poque !. Elles furent d’abord utilisĂ©es par les pirates, corsaires et boucanniers dès le 16ème siècle contre les galions espagnols chargĂ©s d’or. Le cĂ©lèbre Francis Drake amassa ainsi des richesses considĂ©rables et fut anobli par le roi d’Angleterre pour ses hauts faits d’armes, trafics en tout genre et enrichissement personnel. Les temps changent !



Elles furent ensuite vouĂ©es Ă  la culture du coton, donc Ă  l’esclavage, puis, après sa disparition, Ă  des cultures plus diversifiĂ©es. Les Ă®les de l’est furent britanniques dès 1620 tandis que celles de l’ouest furent Ă  tour de rĂ´le, au grĂ© des traitĂ©s, hollandaises, françaises, anglaises, puis finalement danoises au dĂ©but du 18ème siècle. Ces derniers les cĂ©dèrent aux Etats-Unis en 1917 moyennant une forte somme pour amĂ©liorer leur contrĂ´le de la rĂ©gion après l’ouverture du canal de Panama. Aujourd’hui toutes sont essentiellement tournĂ©es vers le tourisme : croisières et activitĂ©s nautiques.

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Les fonds remontent brusquement à quelques milles de Virgin Gorda de 2000 à 20 mètres environ et l’entrée dans la grande baie presque fermée de North Sound est magnifique. Quelques établissements chics occupent certains sites paradisiaques ou petits ilots de ce grand plan d’eau complètement protégé de la mer, mais où l’alizé conserve toutes ses vertus pour rafraichir l’atmosphère et faire tourner l’éolienne.

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Pour la première fois depuis que je navigue aux Antilles, il n’y a pratiquement aucun pavillon français. Comme toujours les anglais sont nombreux, mais la nouveauté ce sont surtout les américains et les canadiens, très nombreux. Et tous les scandinaves sont bien présents.

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Dès le lundi matin, je devais me prĂ©occuper de la « clearance Â» d’entrĂ©e (check in) dans ce territoire très « british ». J’ai cherchĂ© un peu, avant de demander Ă  un plaisancier amĂ©ricain s’il savait oĂą Ă©tait l’office. Il m’a envoyĂ© Ă  l’autre bout de la baie et il avait raison. En attendant mon tour dans ce petit bureau sans fenĂŞtre et donc bien ventilĂ©, j’ai sympathisĂ© avec le capitaine canadien d’un voilier anglais. Puis la charmante douanière« vierge Â» m’a donnĂ© des formulaires Ă  remplir. En attendant le retour de l’officier d’immigration. En une demi-heure et moins de 15 $, c’était fait et valable pour tout mon sĂ©jour, y compris le « check out ». Une bonne surprise.

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Je pouvais dès lors visiter tout l’archipel british sans restriction, et je suis parti vers le nord direction Anegada et sa grande barrière de corail à une dizaine de milles. Brise idéale, et mer turquoise me laissaient l’espoir de voir des dauphins ou autres grands animaux. Mais non, rien en dehors des poissons volants et des fous de bassan. Un pêcheur qui posait ses casiers et filets, et c’est tout. Mais ces patates de corail sur lesquels brise la houle sont magnifiques, elles demandent aussi un peu de vigilance pour ne pas s’y planter, d’autant plus que la carte est très approximative. L’ile proprement dite est un plateau calcaire qu’on aperçoit à peine car son altitude maximale doit être de un ou deux mètres. On voit surtout les tas de sel des salines encore exploitées.

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Revenant sur mes pas, le vent a commencé à mollir à 10-12 nœuds et une grosse houle de nord-ouest se levait progressivement pour atteindre facilement trois mètres par moment. Elle n’était pas gênante mais brisait avec violence sur les côtes rocheuses et faisait disparaître les autres bateaux dont on ne voyait plus que les voiles, lorsqu’ils étaient dans un creux.

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Dans ces conditions le fameux site «The Baths », une des principales attractions au sud de Virgin Gorda ne pouvait pas être accessible confortablement. Je l’ai quand même longé de près et cela m’a vraiment fait penser, en moins grand, à Lavezzi en Corse. Il s’agit d’une sorte de chaos de blocs de granit polis et de plages de sable ménageant des espaces dans lesquels on peut se promener ou nager avec palmes, masque et tuba. Les villas construites sur ce site rappellent celles de Cavallo, l’ile sœur de Lavezzi à un kilomètre au nord, si bien intégrées à l’environnement et entourées de végétation luxuriante.

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Et j’ai fini la journĂ©e en gagnant Treillis Bay, Ă  l’est de la principale Ă®le de l’archipel « Tortola », dans l’axe de la piste de l’aĂ©roport international. Heureusement les avions ne volent pas la nuit et celle-ci fĂ»t reposante. Le jour levĂ©, il me fallait trouver une « bouche Ă  $ Â» pour ne pas ĂŞtre trop rapidement Ă  court de liquide, car apparemment les cartes de crĂ©dit ne sont pas aussi facilement acceptĂ©es ici. Mais le distributeur de l’aĂ©roport Ă©tait hors service. Sur le parking des avions, trĂ´naient une belle quantitĂ© de jet privĂ©s, et, dans la baie toute proche, des grands yachts attendaient probablement que leurs propriĂ©taires arrivent ou repartent après le week-end. Et sur la plage, des artistes expriment leur passions en scupltures mĂ©talliques ou en pancartes colorĂ©es.

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La brise revenue au niveau d’un alizé normal, j’ai continué mes découvertes, longeant la côte très découpée de Tortola. Je n’ai pas résisté à la tentation de faire un crochet par une autre île, Saint Peter à quelques milles au sud. Dans son grand mouillage de Great Harbour, dont le fond est réservé aux pêcheurs, avec une pancarte très dissuasive (pour moi, à la différence des certains !), je me suis mitonné une fricassée de poulet aux petits légumes, délicieuse. Certains catamarans de location ont parfois de drôles d’allures et comme ils ne se servent pas de leurs voiles on se demande pourquoi les loueurs ne suppriment pas carrément tout le gréement. Ce serait même moins abominable que les silhouettes de bus à impériale surmontée d’une crête de dindon dont ils se parent.

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Le retour Ă  Tortola et la visite du port principal de l’archipel, Road Harbour, est dĂ©cevante. Cette baie est partiellement exposĂ©e Ă  l’alizĂ©, et son cĂ´tĂ© est, plutĂ´t industriel, m’a fait virer de bord et reprendre le « Sir Francis Drake Channel Â» vers l’ouest, longeant la cĂ´te de St John, jusqu’à Sopers Hole, un des meilleurs abris des Antilles. Evidemment il Ă©tait bondĂ© et pas une seule bouĂ©e n’était disponible. Nous sommes en haute saison !

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Et maintenant passons aux trois Vierges américaines. St John, plutôt délaissée après la révolte des esclaves et la répression féroce qui suivit en 1733 (avec l’aide de troupes françaises venues de Martinique), a été achetée en 1954 par un héritier Rockfeller. Il en a fait cadeau à l’état fédéral (la classe !). pour en faire un parc national, et son accès est très réglementé. Concrètement, la visiter est surtout réservé à des groupes organisés avec des guides. Pas pour moi, donc, je la verrai en la longeant par le nord vers St Thomas. Cruz Bay a quand même l’air assez fréquentée.

Ste Croix à 35 milles dans le sud est vraiment excentrée et d’ailleurs peu visitée. C’est sans doute dommage et il faudra y revenir plus tard, au retour, peut-être. Elle serait la plus authentique ( !), figée dans son passé colonial.

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St Thomas, danoise à partir de 1672, fut mise en valeur par des colons de différents pays d’Europe dont des huguenots français après la révocation de l’édit de Nantes, puis un gros contingent venu de St Barthélémy au début du 19ème siècle. C’était un port franc neutre dont l’opulente richesse provenait de tous les trafics qui y étaient pratiqués par des bandits, pirates et trafiquants en tous genres qui, à St Thomas, laissaient leurs sabres au vestiaire pour y faire leurs fructueuses affaires.

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Le gouvernement des USVI est installĂ© dans la capitale, Charlotte-Amalie, et l’ile connaĂ®t depuis les annĂ©es 50 un fort dĂ©veloppement touristique. La population de 48 000 habitants accueille chaque annĂ©e plus d’un million de croisiĂ©ristes essentiellement amĂ©ricains. Quatre de ces mastodontes Ă©taient dans le port Ă  mon arrivĂ©e. Les milliers de passagers se lâchent dans les magasins « duty free Â» installĂ©s par centaines sur les quais. Je prendrai peut-ĂŞtre le temps d’ y faire un tour. CuriositĂ© locale, on est bien aux Etats Unis, mais on roule Ă  gauche et les taxis sont Ă©normes, adaptĂ©s Ă  leur marchĂ© de tourisme de masse au sens propre comme au figurĂ©.

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Les formalitĂ©s douanières et d’immigration furent presque un plaisir, assistĂ© par une charmante « vierge Â» amĂ©ricaine. Mais il a quand mĂŞme fallu passer les deux mains dans le scanner et se faire tirer le portrait pour vĂ©rifier que le visa obtenu Ă  grand peine Ă  l’automne Ă©tait le bon. Et tout cela gratuitement ! Nous voilĂ  parĂ©s pour les territoires amĂ©ricains qui feront la suite de l’histoire, Porto Rico et ses dĂ©pendances. Mais je crois pouvoir dire que ce paradis a tenu ses promesses. J'y reviendrai plus longtemps.