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Hier, c’était mardi gras, après trois jours (dont deux fériés) de carnaval dans Pointe à Pitre et un mois de préparation de cette gigantesque fête dans toute la Guadeloupe. Et Alice a repris l’avion vers la métropole après une belle quinzaine à bord de Dartag dont elle est revenue toute bronzée et les yeux pleins des couleurs de l’hiver tropical.

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Nous avions eu auparavant, après Françoise qui a vécu le désastre, la visite de Benjamin pour quinze jours également. Hélas pour tous les deux, il n’ y pas eu de navigation à la voile, et pour cause, mais des sorties en Zodiac autour de Pointe-à-Pitre. Ainsi les plages des environs n’ont plus de secret pour nous.

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Mais nous avons aussi, enfin, mis au point un mode opératoire satisfaisant pour déguster des noix de coco fraîches : il suffit d'aller là où elle tombent naturellement (ces endroits ne manquent pas) et d'affronter le regard méfiant des iguanes qui les surveillent avant de les ramasser en vitesse. Ensuite, en quelques coups de machette bien afutée, on enlève leur enveloppe de fibres avant de les fendre pour boire le délicieux jus et déguster la chair blanche et fraîche qu'elles contiennent. Un régal !

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Nous avons aussi visité le grand cul-de-sac marin, espace protégé par la barrière de corail au nord de l’île, allant jusqu’à l’ilet Christophe après avoir emprunté la rivière salée qui sépare les deux moitiés de l’île. La mangrove est omniprésente mais sans grand intérêt en dehors du milieu et de son écosystème, et de la vérification que nous pouvions nous déplacer à pied, difficilement, dans ce réseau inextricable de racines, finalement très résistantes, qui héberge une multitude d’insectes ou de moustiques parfois invisibles mais redoutablement agressifs, même en plein jour. Nous n’osons penser ce que ce serait la nuit car s’y ajouteraient alors les cris de coyotes et les mouvements sinistres des monstres marins genre anacondas, crocodiles ou crabes géants qui y trouvent refuge.

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Le petit cul-de-sac marin, au sud de Pointe-à-Pitre (=PàP) est moins protégé car la barrière de corail est discontinue, donc la houle de l’atlantique n’est pas complètement amortie par les récifs. Comme le vent y est aussi plus fort, ce fut une sortie arrosée (non pas de rhum, mais d’embruns salés abondants) à slalomer entre les patates de corail appelées ici « cayes » formant un labyrinthe assez inextricable, avant d’arriver à Petit-bourg. Ce port de pêche traditionnel est réservé aux petites embarcations mais devient petit à petit aussi une banlieue résidentielle de PàP. Malheureusement il n’y a pas de plage. Nous n’avons donc pas débarqué et sommes rentrés le soir bien contents de pouvoir nous doucher abondamment et de rincer nos affaires, salées à cœur.



Il y eu aussi des excursions permises grâce aux voitures de location (parfois difficiles à trouver) :

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- Un pique-nique barbecue aux ilets à Carret et de Carénage à partir de Sainte Rose au nord de Basse-Terre. Paysage de rêve de cocotiers sur plage blanche, idéal pour nous baigner, déguster la cuisine grillée, plonger sur la barrière de corail et contempler les oiseaux dans une ambiance « Club Med ».

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- Une visite des villages oubliés du nord de Grande terre, Morne-à-l’eau et son cimetière à damiers en noir et blanc mondialement connu, Port Louis et ses pélicans plongeurs, ainsi que son église moderne aux magnifiques vitraux naïfs, Anse-Bertrand et ses grandes plages où la houle de l’alizé brise magnifiquement devant les terrasses des bistrots de cuisine créole.

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Nous y avons fait une marche jusqu’à la pointe de la Grande Vigie, extrêmement sauvage, puis pris un bain dans le lagon de la porte d’Enfer où la mer monte et descend régulièrement de 20 à 30 centimètres toutes les 3 minutes en charriant des milliers de petits poissons tués par la violence de vagues qui se fracassent à l’entrée (très étonnant et un peu triste).

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- Un retour sur le nord de Basse-terre, passant par la route de la traversée, un repas créole à Bouillante, et une nouvelle visite dans la charmante ville de Deshaies. Son spectaculaire cimetière en pente dominant la baie, est un repaire de crabes de terre qui y creusent d’énormes terriers dans le sol ameubli des tombes, et se livrent des combats titanesques pour la consommation des reliefs locaux. Hallucinant !

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N’oublions pas les traversées à 30 noeuds en Catamaran NGV vers Marie-Galante. Cette île plutôt plate et paisible est dotée de plages magnifiques protégées par une barrière corallienne le long de sa côte sud. Mais surtout , la tradition agricole, essentiellement tournée vers la canne à sucre, y est intacte.

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Nous y étions en pleine saison de récolte et les tombereaux de cannes coupées sont acheminées sur toutes les routes vers les trois distilleries en activité et l’unique et grande sucrerie industrielle, hélas non visitable. Mais il fallait bien réassortir la cambuse de Dartag, quasiment asséchée par la tradition des ti’punch à bord ou chez nos nombreux amis voileux en escale sur les pontons voisins.

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La culture du rhum imprègne complètement Marie-Galante. Les anciennes « habitations » souvent en ruines sont des lieux de souvenirs et d’histoire.

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L’une d’entre elles, l’habitation Murat, a été réhabilitée et transformée en musée local de la culture traditionnelle et de la société marie-galantaise entre les 17ème et 19ème siècles. Bien sûr le rôle et les souffrances des esclaves y sont évoqués, mais pas d’une manière obsessionnelle comme ils peuvent l’être en Guadeloupe. Ce sont des éléments de l’Histoire comportant des faits, des luttes et des conquêtes, mais sans jugements de valeur « a posteriori », sans volonté de revanche ou de repentance, laissant le visiteur se faire sa propre représentation.

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A Pointe-à-Pitre, par contre, la paix ne semble pas faite. De très nombreux monuments ou plaques commémoratives rappellent le courage, l’héroïsme et le sacrifice des héros des luttes éternelles contre la colonisation, l’esclavage et les « occupants », un peu comme si les guadeloupéens du 21ème siècle vivaient encore dans la société du 18ème siècle. Aucun d’entre eux n’en a souffert personnellement, pas plus que leurs parents, grands parents ou arrière grands parents, et pourtant le traumatisme est toujours là, les blessures ne sont pas cicatrisées, inhibant les projets et anesthésiant l’avenir. Parmi les groupes défilant pendant le carnaval, plusieurs rassemblaient de jeunes hommes curieusement affublés de sinistres masques de singes et maniant bruyamment des grands fouets rappelant sans doute ceux des gardes chiourmes du passé.



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Toutefois, le souvenir de la grande grève de l’hiver 2009 orchestrée par le LKP et son leader Elie Domota autour de la « profitacion », et qui a ruiné durablement bien des espoirs de développement, a laissé des traces dans les esprits. Il est clair que la voie qu’il préconisait à l’époque, d’une indépendance pure et simple, est carrément rejetée par la très grande majorité de la population, qui voit parfaitement ses effets sur les îles voisines comme la Dominique, où la misère et la pauvreté ne sont vraiment pas vaincues et où les trafics en tous genres permettent à quelques uns de tirer les marrons du feu dans un ambiance Reggae.

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Il est clair aussi que les deux départements français des Antilles sont des mastodontes économiques et démographiques par rapport aux îles voisines des Caraïbes. Reste à inventer un modèle de développement qui leur permette un jour d’atteindre une prospérité moins artificielle que celle donnée par la perfusion de la métropole, en harmonie avec leur région naturelle au centre de l’arc antillais. Elles disposent d’atouts fantastiques, par leur climat, leurs richesses naturelles, leur éducation, la démocratie d’un vrai état de droit, et les potentialités d’échange avec toute une grande région économique en forte croissance entre le Brésil, le Mexique et l’Amérique du nord.

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Venons en maintenant à l’état de notre pauvre Dartag blessé. Les devis des réparations et des frais associés ont été soumis à l’expert désigné par l’assurance qui a fait une visite complète à bord et a reçu tout le dossier préparé à son intention. Il doit maintenant terminer son rapport, en principe sous quelques jours, et adresser ses conclusions à la compagnie.

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Celle-ci devrait nous faire une proposition d’indemnisation forfaitaire en retenant des coefficients de vétusté variables en fonction des matériels concernés. Si le forfait est acceptable, il ne restera plus qu’à passer les commandes d’approvisionnement des matériels et des travaux. La fabrication d’un mât neuf et de tous ses accessoires (gréement dormant) nécessite entre 10 et 12 semaines à l’usine Selden de Vendée. L’acheminement par cargo demandera 2 semaines. La réception, par le gréeur de PàP, le montage, le câblage et le remâtage encore 2 semaines. Ensuite seulement, le voilier pourra prendre les mesures, au centimètre près, nécessaires à la fabrication des nouvelles voiles qui viennent aussi de France avec un délai de 4 à 5 semaines. Pendant ce temps, la réparation du pont et la reconstitution du gréement courant (tous les cordages nécessaires à la manœuvre des voiles) pourront être réalisés.

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Au total 20 semaines, si aucun grain de sable ne se glisse dans ce laborieux processus, après accord avec la compagnie d’assurance, obtenu espérons avant la fin mars. Cela nous amène fin août. Si l’accord avec la compagnie nécessite plus de temps, si une contre expertise était nécessaire, si les congés d’été venaient allonger ce minimum, Dartag sera peut-être prêt à renaviguer, après le carénage indispensable, juste à temps pour reprendre la croisière en novembre 2014. Il peut y avoir de bonnes surprises, mais nous ne voyons pas trop d’où elles pourraient venir.

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Entre temps, la question est de savoir comment Dartag pourra être mis en sécurité aux Antilles pendant la saison des cyclones et si la présence d’Alain à bord est indispensable pendant ces longs mois d’attente. Dans le cas contraire, il se pourrait qu’il vienne passer tout ou partie du printemps ou de l’été en métropole. Comme prévu initialement Marie-France rentrera à Paris le 17 mars, mais, vous le voyez, la suite du programme reste à écrire.

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Il reste encore bien des questions en suspens avant de reprendre le cours des billets de navigation, mais nous gardons un moral d’acier, grâce à vous tous. Et il faut dire aussi que Point-à-Pitre n’est pas le pire endroit de la planète pour vivre une telle expérience et une telle pénitence !