Après l’excellente période des fêtes en famille en Martinique, notre programme prévoyait de gagner la Guadeloupe où arrivait l’équipage suivant, composé de Marie-France et son amie Françoise.

Pour cette étape de plus de cent milles, la dernière en solitaire avant longtemps, j’ai choisi de passer à l’est, côté Atlantique, plutôt qu’à l’ouest, ce qui aurait impliqué de manœuvrer sans doute beaucoup sous le vent des îles, et de veiller d’avantage, le trafic étant plus important à l’abri de la houle du large.

Après un louvoyage musclé de quatre heures contre un alizé puissant, j’ai pu laisser un peu porter dans une mer rendue parfois grosse par les hauts fonds de cette côte corallienne. Cela marchait très fort, mais au prix d’un arrosage quasi permanent dans les déferlantes, qui, a trois ou quatre reprises, ont complètement recouvert le pont et le cockpit. Impressionnant, surtout de nuit.

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Arrivé à proximité de Marie-Galante en milieu de nuit, j’ai finalement décidé d’y faire escale, et je suis rentré dans le port de Grand Bourg en suivant le chenal parfaitement balisé, au milieu des patates de corail. Rien n’est prévu pour la plaisance, mais le mouillage dans l’avant port avec deux autres voiliers déjà sur place, ne posait pas de problème.

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Au réveil, et après les formalités d’entrée au bureau de douane local, la visite de ce village de 6000 âmes, capitale de l’île, un peu endormi avec ses pécheurs et ses petits commerces traditionnels, avait un côté exotique après le sud de la Martinique si urbanisé. Nous y reviendrons.

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En fin de matinée, appareillage pour Pointe à Pitre et une courte traversée de 20 milles, menée tambour battant jusqu’à l’ilet du Gosier, où le mouillage peu profond est d’un beau bleu turquoise de lagon et pour cause, c’est est un.

A l’arrivée à Pointe à Pitre, le lendemain, nous mouillons à proximité de la marina après avoir fait quelques repérages, en prévision de l’accueil des équipières de choc qui arrivent le dimanche 12.

Un programme d’enfer commence alors, avec la voiture de location. Pas une minute à bailler aux corneilles, mais plutôt une planification méthodique des endroits les plus intéressants à visiter, et il y a fort à faire.

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Un jour pour faire un tour de Basse Terre (la moitié montagneuse de l’île) en commençant par les lagons du nord autour de Sainte Rose, à la découverte du royaume des pélicans et des petits mouillages de rêve au milieu des coraux et de ilets entourés de plages blanches.

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Puis les grandes plages à cocotiers séparées par des montagnes couvertes d’une forêt tropicale magnifique, et l’approche de l’activité volcanique avec la centrale géothermique de Bouillante.

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Enfin un retour sur l’histoire de la Guadeloupe avec ses maisons du café, du cacao, du coco, et sa préfecture au pied de la Soufrière (volcan paisible mais encore actif), ainsi que le sud de l’île d’où l’on voit, tout près, le mythique archipel des Saintes.

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Soulés de beauté et de découvertes, nous rentrons à bord bien après le coucher de soleil, prêts à repartir le lendemain à l’aube pour découvrir cette fois la montagne, ses forêts équatoriales, ses rivières, ses cascades, les maisons et sentiers forestiers moussus du parc national.

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Enfin une belle balade autour de Grande Terre qui est un vaste plateau calcaire peu élevé, bordé de falaises et de plages blanches entourées de récifs coralliens, où sont nichés des petits ports de pêche et des stations balnéaires ou touristiques comme Gosier, Ste Anne, St François, Le Moule, etc..

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Mentionnons particulièrement la superbe Pointe des Châteaux qui s’avance loin en mer vers La Désirade, petite ile un peu oubliée de l’est, et aussi l’active ville de Morne à l’Eau, centre de la culture sucrière et siège d’un extraordinaire cimetière aux damiers noirs et blancs mondialement connu. Nous avons eu la chance d’y voir une procession traditionnelle et de rencontrer une délicieuse vieille dame qui nous a expliqué, avec un peu d’exaltation, son histoire.

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Ainsi nourris de culture guadeloupéenne, nous avons alors repris la mer pour découvrir l’île du rhum, Marie Galante, dont l’histoire se confond avec celle de ses plantations et rhumeries, les meilleures des Antilles.

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A partir du mouillage de Saint- Louis, et en compagnie d’un autre plaisancier devenu ami, nous avons fait le parcours d’initiation passant par Labat, Bielle et Bellevue, avec une prĂ©occupation essentielle, garnir la cambuse de nos bateaux des productions locales les plus variĂ©es et les plus goĂ»teuses. Il n’aurait pas fallu craquer une allumette pendant la soirĂ©e suivante Ă  bord !

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Après cela, nous Ă©tions « mĂ»rs Â» pour encore plus d’exotisme et d’aventure, au point de naviguer vers la terre Ă©trangère la plus proche, la Dominique, oĂą nous avons passĂ© deux grandes journĂ©es, d’abord Ă  Portsmouth, puis en louant un petit 4x4 Suzuki bien utile dans certaines parties du parcours autour de la moitiĂ© nord.

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Et lĂ , nous avons vĂ©cu une sĂ©rie de chocs. Choc culturel dans cette ile indĂ©pendante depuis 1977, après avoir Ă©tĂ© colonie française puis anglaise, choc Ă©conomique avec la pauvretĂ©, voire par endroit la misère, qui cĂ´toie la prospĂ©ritĂ© parfois « louche Â» de quelques uns, choc Ă©motionnel avec la beautĂ© des paysages de mer, de forĂŞt et de montagne, choc spirituel avec la ferveur de la population majoritairement catholique mais aussi anglicane, choc sociĂ©tal avec la dignitĂ© et la gentillesse de la population, choc musical avec l’omniprĂ©sence du reggae et de l’inspiration jamaĂŻcaine, et j’en passe…

Quelques exemples :

- Les « boatboys Â» qui viennent proposer leurs services Ă  flot aux yachts au mouillage, organisent chaque dimanche soir sur la plage, Ă  l’abri d’un grand auvent, un barbecue gĂ©ant pour les Ă©quipages qui le dĂ©sirent, moyennant une modeste contribution. C’est une fĂŞte bon enfant au cours de laquelle on dĂ©guste des poulets et poissons grillĂ©s, arrosĂ©s de punch, et qui se termine en dansant dans le sable, entraĂ®nĂ©s par un disc jockey ambianceur excellent, et tous se laissent gagner par l’envie de bouger…

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- la messe dominicale rassemble les paroissiens habillés de leurs plus beaux habits et chapeaux dans de grandes églises sans murs. Elle est animée par des musiciens et un clergé dynamique au point de paraître parfois à nos yeux, vieux de vingt siècles de civilisation judéo-chrétienne, comme un peu exaltés voire possédés…..

- on peut rencontrer dans les villages de montagne des habitants parlant français et tout contents de le faire.

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- Le guide francophone qui nous a fait dĂ©couvrir l’Indian River nous a aussi racontĂ© comment son pays s’était « pacifiĂ© Â» dans les dernières annĂ©es, sous l’influence de fortes personnalitĂ©s locales qui ont rĂ©ussi Ă  entraĂ®ner la majoritĂ© dans la voie du dĂ©veloppement Ă©quilibrĂ© plutĂ´t que dans celle de mafieux, et comment les autoritĂ©s luttaient, beaucoup par l’éducation, contre les dĂ©viances des mĹ“urs ou de la drogue qui restent des problèmes sĂ©rieux.

En reprenant la mer, vers Les Saintes, nous avons pensĂ© que cette Ă®le mĂ©ritait une autre visite, cette fois dans sa partie sud, la plus volcanique oĂą la nature est paraĂ®t-il encore plus belle. Qu’est-ce que cela doit ĂŞtre !

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Cette traversĂ©e au soleil, baignĂ©e par un alizĂ© modĂ©rĂ©, accompagnĂ© de nombreux autres voiliers nous a ramenĂ©s dans ces Ă®les françaises rĂ©putĂ©es pour leur charme. Nous avons presque Ă©tĂ© déçus !

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Certes le mouillage que nous avions choisi Ă©tait calme, certes la nature est superbe, certes cet archipel d’une dizaine d’îles est variĂ© et plutĂ´t protĂ©gĂ©, mais Terre de Haut est une vĂ©ritable usine Ă  touristes, très frĂ©quentĂ©e oĂą les commerces sont essentiellement de bouffe et de fringues. Nous nous serions presque crus Ă  Porquerolles en plein pois d’aoĂ»t. Pas vraiment la peine de venir jusque lĂ  pour ça !

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Cela ne nous a pas empêchés de lier encore de nouvelles connaissances avec d’autres plaisanciers, pleins de charme ou d’originalité, parfois les deux et même plus. Au risque de me répéter, je dirai que c’est là aussi un des grands plaisirs de cette croisière au long cours.

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Repartant vers le nord, par la Guadeloupe, nous avons fait deux escales sur la côte sous le vent, dans la réserve Cousteau, près de l’ilet Pigeon, pour déjeuner, puis à l’anse Deshaies très confortable et pleine de ressources, avant de nous diriger vers Antigua et Barbuda, nos prochaines découvertes, également chargées d’histoire, qui feront l’objet du billet suivant qui portera le n°18.