Remonter la côte occidentale de la Corse à la voile est un régal lorsque le soleil et le vent sont de la partie. C’était notre chance à partir de Bonifacio avec une brise soutenue en laissant à notre droite des orages sans doute musclés qui arrosaient les montagnes de cette île merveilleuse.

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Une fois passé le cap Sénétose, ce mercredi 10 juillet, en louvoyant contre un vent d’ouest de 15 à 20 nœuds, nous avions décidé de passer la nuit à Porto Pollo, au nord du golfe du Valinco, où nous n’étions pas allées de puis longtemps.

Mauvaise surprise, en approchant, nous découvrons que le mouillage est interdit sur toute la longueur de la côte et que l’usage des bouées sur corps-morts municipaux est obligatoire. Il y en a une quarantaine qui occupent tout le littoral où les fonds sont acceptables sur des sondes de 5 à 15 mètres. La somme forfaitaire de 20 euros est exigée sans aucun service associé, ni navette, ni ramassage d’ordure, ni offre de boissons fraiches, ni bien sûr croissants chauds ou autres douceurs (même payantes) potentiellement capables d’attirer des plaisanciers dans ces conditions. En plus, toutes les bouées sont déjà occupées, et par qui ? par des pigeons adorant se faire piéger ! Les seuls bénéficiaires de cette situation doivent être les équipages des puissants semi-rigides de l’exploitant du parking à bateaux (2 moteurs de 200 cv, pour quoi faire, s’il s’agit de percevoir les sommes encaissées auprès des plaisanciers).

Ce n’est pas notre cas, et nous renonçons donc à céder à ce racket organisé aux frais des contribuables sans aucune création de valeur. Pour éviter de mouiller dans des fonds de 25 à 30 mètres nous nous rabattons sur une zone plus exposée, mais libre, et dont les fonds sont acceptables devant l’embouchure du fleuve Taravo, un mille à l’Est, où nous passerons la nuit avec une dizaine d’autres voiliers réfractaires. Au réveil le lendemain matin, toute la pluie tombée la veille sur les montagnes avait dévalé les pentes, drainées par le Taravo et nous flottions dans une eau brune charriant des détritus de toutes sortes. Et en plus, le téléphone et la 3G sont très faibles, quasiment inexploitables. Charmant pays !

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Nous décidons quand même, en attendant le vent, de faire une visite à terre et rejoignons le port avec notre annexe (6 chevaux, bien suffisants pour marcher à 10 nœuds et plus). Nous la laissons amarrée à la passerelle d’un ponton flottant et la cadenassons par précaution comme nous le faisons de plus en plus souvent, hélas, de même que nous retirons la clé du moteur, car la confiance d’autrefois s’émousse (ah le bon vieux temps !).

Le village est assez animé et les maisons traditionnelles en pierre sont pour la plupart bien entretenues ou rénovées avec de superbes jardins fleuris. Il en reste quelques unes à l’abandon, mais l’ensemble est agréable et donnerait presque envie de revenir.

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A notre retour au port, notre annexe est coincée par le gros semi rigide des plongeurs qui a été manifestement amarré pour nous bloquer. Notre amarre principale est larguée, et un tuyau qui trainait sur le ponton est en train de la remplir d’eau douce (quel gâchis ridicule !). Heureusement que nous avions utilisé notre cadenas sinon il est assez probable que l’annexe aurait été au moins déplacée, si ce n’est dissimulée, éventuellement subtilisée pour ne pas dire volée ! Arrive alors un jeune blambec hautain, prétendant qu’il n’a pas pu amarrer son semi-rigide et regrettant que nous ayons cadenassé notre annexe. Nous embarquons en lui faisant remarquer qu’elle ne le gênait pas du tout, nous félicitant d’avoir utilisé le cadenas ce qui nous a permis de ne pas avoir à la chercher partout (il l’admet). Pendant ce temps, il reprend l’amarrage normal de son embarcation, démontrant à l’évidence que nous ne le gênions absolument pas et qu’il avait voulu nous bloquer. La coupe est pleine et Porto Pollo ne nous reverra pas de si tôt, en même temps que nous ferons « profiter » nos amis et autres plaisanciers de cette expérience situant le très mauvais niveau de l’accueil de cette petite station balnéaire qui aurait pourtant des atouts à faire valoir.

Le vent étant arrivé, même force et direction que la veille, nous appareillons et entamons un beau louvoyage pour passer le Cap de Muro avant d’embouquer le magnifique golfe d’Ajaccio où nous arrivons en milieu d’après midi. Cette escale technique destinée au ravitaillement est bien pratique avec ses deux supermarchés bord à quai et nous en profitons. Malheureusement le schipchandler, consulté par téléphone n’avait aucune des deux pièces dont nous avions besoin (« uniquement sur commande »). Chienne de vie, tout se dégrade ! Il y a même un superbe petit voilier moderne coulé sur les enrochements de l’Amirauté et vu la végétation marine qui l’a colonisé il doit être là depuis des mois. Quel dommage !

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Nous ne nous attarderons donc pas et reprendrons la mer dès le lendemain matin, en espérant sur la foi de météos concordantes pouvoir regagner le continent avec une brise juste suffisante pour au moins une bonne partie du parcours. Le départ le long de la magnifique route des Sanguinaires fut conforme. Mais aussitôt sortis du golfe, la force 3 annoncée de sud-ouest s’est avérée être plutôt de force 1 à 2 de nord-ouest, puis 0 à 1 de sud. Après avoir gratté le moindre souffle pendant presque tout l’après-midi, nous avons fini par craquer et mettre à contribution la risée Volvo, en nous rappelant comme chaque fois que si les romains avaient inventé les galères et l’esclavage, c’est qu’il y avait de bonnes raisons sur cette foutue mer Méditerranée. Ah s’ils avaient connu le moteur thermique, la face du monde aurait été changée !

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Comme nous, ils devaient voir de temps en temps de grands cétacés, même si cela faisait longtemps que cela ne nous était pas arrivé. Un bonheur n'arrivant jamais seul, le vent est revenu, comme prévu du sud-ouest, devenant même musclé, et nous avons fini ce périple autour de l'île de beauté sur les chapeaux de roues.

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Cela nous consolera de revenir bredouille, malgré les superbes touches que nous avons enregistrés sur notre ligne de traine, qui ne nous ont laissé que quelques hameçons tordus ou cassés, et rapalas perdus. Snif !