Il y a un an jour pour jour nous faisions escale à Crotone dans la botte italienne. Une mauvaise escale, non pas pour la ville elle-même, ni pour la météo, mais en raison d'un attaque massive de moustiques particulièrement affamés qui nous ont dévorés toute la nuit, après de vaines tentatives d'en venir à bout avec des journaux, des serviettes, des polochons, que sais-je encore.

Au petit matin, nous étions entièrement boursouflés et eux cuvaient leur festin, la peau du bide bien tendue par les énormes quantités de sang qu'ils nous avaient sucé. Ils étaient posés par dizaine partout sans notre cabine et il ne fallait pas les toucher sous peine de répandre notre sang sur les draps, vaigrages ou rideaux. L'horreur !

L'un d'entre eux s'était imprudemment posé sur le contre-moule de notre salle d'eau, et il paraissait un peu moins imbibé que les autres. C'est celui-là qui allait payer pour tous les autres. D'un revers de main, même pas très rapide, il a compris que sa vie ne tenait qu'à un fil. Et, pour conjurer le sort, et dissuader ses congénères de recommencer à nous attaquer, nous avons laissé sa dépouille là où nous l'avions crucifiée, pendant tout l'été.

Au moment du désarmement, en octobre, elle était toujours là et sa présence nous ayant mis à l'abri pendant plus de quatre mois, nous l'avons laissée, exhibée comme un trophée et un porte bonheur. Maintenant il n'est plus possible de nous en débarasser. elle fait partie de l'histoire de Dartag et pour lui rendre hommage, nous l'avons prise en photo afin de l'immortaliser. C'est chose faite et vous en êtes les témoins.

Crotone