Santorin a tenu toutes ses promesses.

Caldeira

L'ampleur de ce volcan, toujours actif, est impressionnante. La puissance du cataclysme qui l'a profondément modifié vers 1400 avant JC est inimaginable. Pensez que le tremblement de terre qui a précédé l'explosion aurait provoqué un tsumani avec des vagues de 80 à 100 m de haut. L'explosion elle-même a projeté dans l'atmosphère 5 kilomètres cube de rochers puis l'effondrement de 63 km2 de l'ile dont on voit les reste aujourd'hui. La brillante civilisation minoenne, établie sur place et en Crète, a disparu en quelques secondes. Mais, curieusement, à Santorin et contrairement à Pompéi, aucune fouille n'a révélé jusqu'à présent de traces de cadavre humain, ce qui laisserait supposer que la catastrophe a été précédée de signes précurseurs suffisamment inquiétants pour la population soit entièrement évacuée. Les scientifiques semblent considérer que l'explosion de Santorin est la plus énorme libération d'énergie qui se soit produite sur l'écorce terrestre depuis qu'elle existe, à l'exception sans doute du volcan Toga à Sumatra, survenu il y a environ 72000 ans et qui provoqua un épisode glaciaire sur l'ensemble de la planète pendant six ans, par l'effet du nuage de poussière stagnant à haute altitude pendant six ans.

Néa Kameni

Depuis, le cratère de ce volcan a fait émerger plusieurs iles secondaires au centre de la caldeira, dont deux subsitent: Palaia Kameni et surtout Néa Kameni, masse fumante de magma à peine refroidie, dont les eaux bouillonnantes, acides et sulfureuses sont déconseillées aux plaisanciers qui ne veulent pas voir les chaines et ancres dissoutes dans le chaudron du diable. Sauf tout au sud, la profondeur de la caldeira est comprise entre 300 et 400 mètres, si bien que les paquebots de croisière qui font escale à Santorin, se tiennent immobiles avec leurs hélices pendant que les passagers font leurs excursions. En effet il leur est impossible de mouiller leurs ancres dans une telle profondeur.

Finikia

Et malgré une activité tellurique jamais apaisée, l'ile résonne d'une vie frénétique, avec ses villages, son agriculture, sa viticulture, son extraction de pierre ponce, et, bien sûr, toutes les activités liées au tourisme, très développé ici. Notre petit scooter (un peugeot, absolument épatant) nous a permis de parcourir la totalité de l'ile, depuis le village de Finikia (ou Oia) au nord, très typique des cyclades, jusqu'à celui où l'on a retrouvé des traces de la civilisation mionienne, Akrotiri au sud. Malheureusement, depuis un accident mortel qui était survenu il y a quelques années, ce dernier site est toujours fermé en attendant les résultats des différents procès en cours. Quand on mesure la complexité du droit grec, directement tiré des traditions byzantines, il est à craindre qu'il ne rouvre pas de si tôt.

Thira panoramique

Les paysages, les falaises de toutes les couleurs, la mer si bleue, les églises si nombreuses, les batiments si blancs, les hotels si luxueux, les promenades piétonnes en marbre si tranquilles surplombant la caldeira, tout est fascinant et mériterait un séjour de longue durée. A la fin de la journée, épuisés d'avoir tant crapahuté, mais aussi après la nuit précédente moyennement reposante, nous avons eu la prétention d'aller voir les restes préhistoriques de l'ancienne Thira sur la côte sud, tout près de la marina où était amarré Dartag. Mais après dix minutes d'ascension dans un chemin caillouteux et poussiéreux, nous avons aperçu deux touristes qui avaient certainement le même projet que nous, mais se trouvaient au moins à deux cents mètres d'altitude de plus, et ne semblaient pas être sur le point d'arriver. Cela nous a paru tellement énorme que nous avons baissé pavillon et avons fait piteusement demi-tour pour retourner nous reposer.

Thira

Une bonne soirée à bord avec une bouteille de champagne marquait ainsi l'atteinte de l'un des objectifs essentiels de cette croisière. Désormais nous serons sur le chemin du retour.

caldeira vue du sud

Ce dimanche matin, nous avons donc repris la mer avec une météo nous prévoyant du vent de nord force 5 à 6. C'est beaucoup, surtout si l'on doit remonter contre ce vent, mais c'est possible. Après une première partie facile, à l'abri de l'ile de Santorin, nous avons louvoyé puissamment dans un vent de Nord ouest de 20 à 25 noeuds, avec des rafales à 30 noeuds, jusqu'à proximité immédiate de l'ile d'Ios que nous visions. C'est alors que le Meltem s'est fâché tout rouge, nous envoyant des coups de boutoirs de 40 à 50 noeuds avec des rafales à 53 noeuds et plus. C'est la grande baie Manganari au sud de l'ile dans laquelle nous avons mouillé notre ancre, bien contents d'être à l'abri de la mer, courte et hachée, mais pas du vent, qui a continué à nous assourdir de hurlements dans les haubans pendant toute la soirée. Il y avait là cinq voiliers, dont un géant d'au moins tente mètres portant dix personnes et quatre chiens, et trois motor-yachts plus modestes.

meltem fort

Dimanche, c'est l'anniversaire d'Alain. Il nous fallait un point de chute "civilisé" pour fêter ce jour. Nous avons donc rallié Port Ios dans la matinée. C'est la capitale de l'ile, réputée pour son goût de la fête et ses nudistes, et qui offre un mouillage confortable à côté de la ville. Pour cette remontée d'une heure et demie au raz de la côte, contre un vent violent et une mer dure, nous avons fait une grosse entorse à nos habitudes et subi un accès de paresse, car c'est le moteur qui nous a péniblement propulsé. Honte aux soi-disant voileux que nous pensions être: mais le purisme a aussi des limites, atteintes en ce 9 août 2009.

Ios

Ios est un village charmant divisé en deux niveaux: en bas, les touristes classiques et les équipages des bateaux en escale, en haut les jeunes avec leurs bars branchés, leurs musiques disco et leurs magasins de pacotille. Comme vous vous en doutez, nous avons escaladé cette pente en utilisant un escalier dont tous les joints des pierres sont peints en blanc, puis un petit chemin, pour tester nos capacités d'escalade. A 180 mètres d'altitude, avalés en 30 minutes, entourés par six chapelles blanches à coupoles bleues, nous avons découvert un panorama magnifique sur l'île, le port, la ville.

Red Bull

Et, bien sûr, en redescendant, nous n'avons pas résisté à la tentation de nous mêler aux jeunes, dans leur quartier. Mais comme ce n'était pas encore l'heure de leur pleine activité, c'était plutôt calme. Quelques groupes de 18-30 ans, parlant de nombreuses langues (apparemment souvent de l'est de l'Europe) déambulaient paisiblement avec leur baladeurs, à jeun et propres, mais pas bronzés. Il est vrai qu'ils semblent se lever vers 18h, mangent un repas copieux, et se préparent à faire la fête toute la nuit. Leur quartier est effectivement rempli de bistrots, boites de nuit, clubs en tous genres, affichant les marques de leur mode de vie universel, en particulier RED BULL, la firme qui monte, après ses succès inattendus en Formule 1.

lever de lune à Ios

Après quelques courses et un retour à bord éclair, nous avons fêté les 64 ans d'Alain dans une taverna tenue par une anglaise mariée à un grec: "Octopus Tree", installée autour d'un pin parasol, assez rare en mer Egée. Parfait, très fréquenté, au point que le patron a jouté une table sur le quai pour nous accueillir et a fait de même pour les clients suivants. Apparemment les enfants participent au service avec un personnel nombreux et très efficace. Nous avons terminé le repas avec un poulpe grillé vraiment délicieux. Voilà donc à quoi servent les séchoirs à poulpes que nous voyons partout dans ces villages.

Ce lundi matin, la météo annonçait un vent de nord force 6 localement 7 sur notre zone, et plus fort en allant vers le nord ou l'est. Mais nous allions vers l'ouest, alors pas de problème, en route pour Sifnos à une trentaine de milles. Dès la sortie du golfe la mer était assez forte et hachée, et le vent plutôt force 7 que 6. Pas de panique, avec seulement la moitié du génois, nous étions bien, même si quelques paquets de mer atteignaient le cockpit ce qui est plutôt rare avec Dartag. Nous comptions sur un mollissement du vent et une amélioration de la mer à mesure que nous gagnerions vers l'ouest. Mais c'est le contraire qui s'est produit. Au point qu'après la mi-route, il était clair que les efforts pour atteindre Sifnos seraient plus importants que prévu. Nous avons persévéré encore un peu, mais quelques rinçages bien complets et une déferlante un peu musclée nous ont fait changer d'avis. Dans un coup de roulis, "la chinoise" (la pendule du carré, vous suivez ?) a pris son envol depuis sa position réglementaire, près du hublot tribord du carré, et a atteint directement la porte du four situé à babord, à plus de trois mètres. Sa vitre a explosé à l'atterrissage en mille morceaux, mais la plupart sont restés sagement sous la cuisinière, retenus par la fargue de l'étagère située dessous. Une chance inouïe ! En plus, après avoir retrouvé la pile, nous l'avons remise dedans, rangée à sa place réglementaire, et elle est repartie, sans sa vitre, comme si de rien n'était.

Nous sommes donc arrivés dans un mouillage au sud de Kimolos, petite ile située au nord de Milos. Le vent était toujours très fort, mais le plan d'eau bien abrité, pour la soirée et la nuit. Consultant machinalement la météo, nous avons alors découvert que, finalement notre zone était concernée par un avis de coup de vent publié "a posteriori". Evidemment, les prévisions, c'est plus facile quand cela concerne le passé, mais c'est la première fois que nous prenons en défaut les météorologues grecs.

Lion de Ios

Ce mardi 11 août, petite étape le long des côtes nord de Milos pour atteindre le grand golfe, reste d'un cratère, où se trouve le port de l'ile. L'approche est somptueuse avec un mélange de roches sédimentaires et basaltiques de toutes les couleurs, puis les villages historiques de l'ile, Plaka la capitale, Klima son petit port de pêche et Adamas la ville commerciale et port actuel au fond du golfe.

La suite au prochain numéro, après une visite plus approfondie de cette grande ile.