Nous découvrons les vents de la mer Egée.



Ce lundi matin, le fort vent d'ouest nous promettait une belle traversée vers Egine, notre première ile de la mer Egée, dans le golfe de Saronique, à vingt milles au sud d'Athènes. Mais au bout d'une heure, nous avons piteusement tourné la clé de contact sur une mer d'huile, en profitant pour raser les ilots et cailloux dans un décors bleu marine et turquoise à faire pâmer d'aise n'importe quel marin ou marine.

Mouillage d'Egine



Dès que notre ancre s'est plantée dans le sable du mouillage d'Egine, à un jet de pierre de l'entrée du port, le vent est revenu du sud, agréable, modéré, régulier, mais il ne nous servait plus à rien sauf à nous rafraichir en sortant de notre bain de mer dans l'eau à 30,8 ° (du jamais vu en ce qui nous concerne). Nous avons ainsi attendu confortablement que le jour commence à décliner avant de faire quelques courses et repérages dans la ville très touristique et animée, avec un car-ferry, ou aliscafi toutes les cinq ou dix minutes, rentrant ou sortant du port sous notre nez, nous faisant bien profiter de leurs fumées noires et de leurs sillages. Mais aussi des charmantes tavernas du port dont l'une nous a servi un repas délicieux, commencé avec un assortiment géant de mézé, mais, au final, un peu trop copieux. La qualité de la nuit suivante s'en est ressentie.



La mĂ©tĂ©o prĂ©voyant des vents de nord plus forts pour les jours suivants, nous avons dĂ©cidĂ© de rester au mouillage et de visiter l'ile en louant un scooter. Cette fois-ci ce fut encore un Piaggio, mais un peu vermoulu, et qui devait avoir une petite fuite d'essence car il consommait sans doute plus qu'un V8 amĂ©ricain des annĂ©es trente. Il nous a fallu faire le plein d'urgence après une vingtaine de kilomètres, et supporter les bruits d'amortisseurs lorsque nous passions dans un trou (hĂ©las assez nombreux, mais nous allons parfois aussi les chercher). Mais il nous a vaillamment fait dĂ©couvrir le nord de l'ile, dont les couleurs sont extraordinaires, et il parait que nous n'avons encore rien vu !

pistachier



Les vergers de pistachiers sont extrĂŞmement nombreux, et il faut goĂ»ter ces fruits secs prĂ©parĂ©s depuis des gĂ©nĂ©rations par les cultivateurs locaux, sous diffĂ©rentes formes, salĂ©s ou pas, enrobĂ©s de miel et de sĂ©same, un dĂ©lice, vraiment diffĂ©rent de ce que nous trouvons chez les commerçants en France. On se demande maintenant comment nous pourrons finir le stock embarquĂ© Ă  bord de Dartag avant le dĂ©part. Quelle erreur !



En plus de la beauté des sites naturels, nous avons visité quatre des édifices les plus remarquables:

sanctuaire d'Aphaia



- Le temple dorique dédié à Aphaia (l'invisible), pour certains ce serait aussi à Athéna, dans l'est de l'ile. Les restes sont suffisants pour imaginer l'ensemble et avoir une idée de la vie autour ce genre d'édifice à partir du 5 ème siècle avant JC, peu après la grande victoire navale des Athéniens, pourtant en nette infériorité numérique, contre les Perses, à Salamine. Ce fut première bataille navale connue, opposant plus de 1300 trirèmes et galères. Le musée construit sur place pour conserver les découvertes du site était malheureusement fermé.

Kontos Ă©glise Anastase Kefalas



- L'immense Ă©glise de Kontos construite au 19 ème siècle en l'honneur d'Anastase KĂ©falas, canonisĂ© dans l'Ă©glise orthodoxe en 1861. Cet ensemble fait penser par sa taille, son luxe et mĂŞme sa dĂ©coration, Ă  la mosquĂ©e Hassan II Ă  Casablanca. Les marbres de diffĂ©rentes couleurs des sols et des colonnes, rivalisent avec les boiseries finement dĂ©coupĂ©es et sculptĂ©es, les mosaĂŻques fines Ă  l'effigie des personnages importants, les objets d'orfèvrerie sacrĂ©e parfois immenses, les galeries merveilleusement aĂ©rĂ©es, etc...La vitalitĂ© de l'Ă©glise orthodoxe grecque, toujours religion d'Etat, visible par le nombre et l'entretien parfait de milliers d'oratoires, chapelles, Ă©glises, monastères, dispersĂ©s dans les villages et la nature, ou sur les hauteurs comme dans le moindre ilĂ´t, se manifeste aussi dans cet immense bâtiment rĂ©cent, d'ailleurs en pleins travaux: la coupole est entièrement Ă©chafaudĂ©e Ă  l'intĂ©rieur pour, probablement, une rĂ©fection lourde. Mais la visite continue. Une plaque illisible pour nous mĂ©riterait une traduction, s'il vous plait ? Curieusement on distingue dans la montage qui domine Kontos, de curieux bâtiments: il s'agit de 34 des 157 Ă©glises que comptaient le village de Palehora, après son abandon et la destruction de toutes les habitations. Les villageois qui s'Ă©taient rĂ©fugiĂ©s Ă  la montagne pour se protĂ©ger des attaques de pirates Ă©taient retournĂ©s dans leurs maisons cĂ´tières d'origine.

Monastère Theotoukou Chrysoleontisis



- le monastère Theotoukou Chrysoleontisis, perché dans la montagne au bout d'un chemin mal bétonné, et entouré de ses exploitations agricoles. Une des plus originale est peut-être l'élevage de paons en liberté autour du monastère et nous n'avons pas résisté au plaisir de prélever sur le sol quelques grandes plumes abandonnées par ces magnifiques animaux que nous n'avons vus que de loin. Désormais elles sont stockées à bord de Dartag en vue d'une utilisation future.

Egine au fond la dernière colonne du temple dorique d Apollon



- le temple dédié à Apollon, ou Aphrodite selon certains, sur le promontoire qui ferme la baie d'Egine. Une seule colonne est restée debout jusqu'à nos jours, mais les fondations et murs d'enceinte sont impressionnants. De nombreux restes romains sont également visibles. Malheureusement le site était fermé et nous ne l'avons vu qu'en passant à côté et depuis le promontoire suivant.



Bref, encore une belle journĂ©e de dĂ©couverte, terminĂ©e par un bain de mer Ă  plus de 30° et une douche froide lĂ©gèrement plus chaude, car l'eau contenue dans les soutes de Dartag, adoptent naturellement une tempĂ©rature moyenne entre l'air ambiant et l'eau de mer soit environ 32°. Se baigner juste avant de se coucher et se doucher froid ensuite, est un grand plaisir et aussi une nĂ©cessitĂ© pour bien amorcer la première phase du sommeil, bercĂ©s par la brise nocturne sous un ciel Ă©toilĂ©. Encore un peu et nous deviendrions presque des poètes (grecs) de la beautĂ©, de l'Ă©quilibre et de l'harmonie universelle. L'avons nous bien dit ?



Ce mercredi matin, le fort vent de nord n'Ă©tait pas tombĂ© et la mĂ©tĂ©o prĂ©voyait qu'il se renforce dans la journĂ©e. Courageusement, nous avons dĂ©cidĂ© de l'affronter, mais sans le braver, en mettant le cap sur Korpos sur la cĂ´te du PĂ©loponnèse, juste Ă  l'est d'Egine. Quinze milles parcourus rapidement, un os entre les dents avec la voilure rĂ©duite au dĂ©but, puis complètement dĂ©ployĂ©e quand Eole a fait un pied de nez aux mĂ©tĂ©orologues grecs en affaiblissant le vent et en le faisant tourner au nord-ouest. Mais nous sommes maintenant dans un endroit dĂ©licieux, calme et parfaitement abritĂ© pour subir le fort vent de nord encore prĂ©vu pour au moins 24h. Mais, allez savoir ce qu'Eole a dans la tĂŞte ?

Korfos