Imaginez vous une lutte à mort contre les moustiques. C'est ce qui nous est arrivé à Crotone.



Après une longue traversée émaillée de vents fous et inconstants depuis Augusta, ayant passé les trois caps du sud de la Calabre (Spartivento, Stilo, Rizzuto) et subi les colères du Golfe de Squilace (dont le nom est tout un programme et la réputation épouvantable), le Golfe de Tarente s'offrait à nous, après un dernier cap (Colonne).



Le niveau de carburant avait pas mal baissé avec tous ces calmes depuis trois semaines et nous n'avions pas prévu de mazouter si tôt. Mais, plutôt que de se trouver un peu juste, nous avons embarqué 100 litres à Crotone, avant de nous chercher un poste à quai pour la nuit. Le "système" calabrais ayant fonctionné, le pompiste nous a mis en relation avec "l'ormengiatorre" copain de son fils. Il a fallu négocier ferme pour ne pas se faire escroquer, et ce n'est qu'au moment où nous allions repartir, ayant déjà largué une amarre, que les conditions sont devenues acceptables. Faudrait pas nous prendre pour des nababs. On en a profité pour faire un grand nettoyage du cockpit qui était tellement poussiéreux que nos pieds ne servaient qu'à étaler des marques noires aussi bien à l'intérieur que sur le pont. Il fallait faire aussi une petite lessive. Et après le diner composé en particulier d'excellentes crevettes achetées sur le port, arrosées d'un fameux proseco (vin frizzante) déniché par Marie en Sicile, nous pensions nous reposer du sommeil du juste.



C'est là que les moustiques sont intervenus: en hordes serrées, infatigables et apparemment insatiables. Après un lutte à la régulière, armé chacun d'un paréo, dans une espèce de bataille de polochon inégale, nous avons fini par nous lasser et les laisser nous dévorer toute la nuit, espérant qu'ils seraient moins gourmands une fois que nous nous étions enduits de citronnelle. Le matin au réveil tout était calme, mais nous étions boursoufflés et eux cuvaient leur festin, posés un peu partout dans notre cabine. Alors nous avons décidé de nous venger. Ayant tout fermé, nous avons gazé notre cabine abondamment. En y retournant au bout d'une heure, la victoire était acquise. La plupart gisaient les pattes en l'air, l'abdomen gonflé de notre sang. Il fallait donc prendre d'infinies précautions pour éliminer ces cadavres sans les écraser afin de ne pas tout salir.



Bref, nous nous souviendrons de Crotone !

Plateformes offshore



La météo nous prévoyant un vent maniable de NW, le départ fut décidé rapidement, en slalomant au milieu des plateformes pétrolières, avec l'idée de faire encore une escale en Italie, à l'extrémité du talon de la botte ou, si nous étions en forme, de poursuivre directement jusqu'à la première ile grecque de la mer Ionienne, Othoni, au nord de Corfou. C'est là que nous sommes arrivés ce mercredi matin, après nous être félicités d'avoir mazouté, car toute la traversée du Golfe de Tarente, contrairement aux prévisions météo a été faite sans un souffle ou presque. Ce n'est qu'à la sortie de ce golfe, après Santa Maria di Leuca que nous avons pu naviguer à la voile: nous pouvons vous dire que cela fait du bien, même si c'est plus fatiguant à cause des manœuvres incessantes.



Donc nous avons remplacé le pavillon de courtoisie Italien par le Grec. La première phase de notre croisière, celle d'approche, est arrivée à son terme, et maintenant nous allons découvrir (et déguster) les îles, les paysages, la gastronomie, les rencontres dans ce pays dont nous rêvons depuis des années. Ce sera l'objet des billets suivants. Nous serons sans doute à Corfou le week-end prochain.