Nous avions tous les matins, sur le quai de la Marina Msidia Ă  La Valette, la visite d'un petit père avec sa camionnette pleine de lĂ©gumes, fruits et condiments variĂ©s. Nous en avons profitĂ© largement car ils Ă©taient vĂ©ritablement dĂ©licieux. Mais tout a une fin et hier la dernière courgette a disparu dans nos estomacs, il ne nous reste que quelques prunes rouges succulentes et des mini poires fermes et goĂ»teuses Ă  souhait. Sniff !



La traversĂ©e vers la Sicile a Ă©tĂ© plus longue que prĂ©vue par manque de vent, si bien que nous sommes arrivĂ©s de nuit au cap Rossato qui marque sa pointe extrĂŞme sud-est. Nous avons mouillĂ© au pied du phare de ce grand cap, au radar, dans une crique qui avait paru accueillante d'après la carte, nous rĂ©servant de la dĂ©couvrir le lendemain matin au rĂ©veil. Superbe ! avec un Ă®lot sĂ©parĂ© de la terre par une langue sablonneuse donnant Ă  la mer un aspect de lagon. Mais les bâtiments donnaient plutĂ´t l'impression d'abandon, y compris une sorte de château du facteur cheval, vide et engrillagĂ© Ă  proximitĂ© de ce qui avait dĂ» ĂŞtre une conserverie de thon, en ruines.



Nous avons trainé un peu au mouillage et gonflé l'annexe pour la première fois de cette croisière. Il a fallu lui redonner un petit coup de peinture, car en la déployant , une nuée de petit éclats de peinture blanche échappée des plis, inévitables lorsqu'elle est dans son sac, s'est dispersée sur le pont. Puis une petite sortie d'essai a montré qu'elle allait encore cette année nous rendre de grands services.

Cap Rossato



Après le déjeuner, le vent de sud prévu s'étant levé, nous avons pris la direction de Syracuse, car nous voulions voir le site d'où Archimède avait incendié les galères romaines de Marcus Claudius Marcellus, en 212 avant JC, avec des batteries de miroirs qui concentraient sur elles les rayons du soleil. Cela n'avait pas empêché l'invasion de la Sicile par les romains, mais le savant leur avait donné du fil à retordre. La guerre est, hélas, aussi un puissant moteur du progrès technologique.

Fonyaine et papyrus



La ville la plus ancienne est bâtie sur l'îlot d'Ortygie, mais les principaux vestiges grec et romains sont sur la terre principale. Le tour que nous avons fait à pied de tout cet ensemble nous a plongé plus de 2500 ans en arrière avec l'émotion que vous imaginez. Les fameux miroirs d'Archimède étaient placés près du théâtre grec, seul endroit où l'exposition et le champ d'action de leurs rayons étaient possible. Aujourd'hui ce théâtre est utilisé pour un festival de théâtre antique et le mur du fond est remplacé par un écran formé d'une structure d'aluminium parabolique qui détonne un peu dans ce décors mais pas plus que la pyramide du Louvre. En plus elle est démontable. En retournant à bord nous étions sur les rotules, mais émerveillés.

Théâtre grec



Après le déjeuner, réparateur et un peu tardif, nous avons jugé opportun d'appareiller pour Augusta, trente kilomètres au nord, dont le site est géographiquement assez analogue. Ayant à peine franchi les falaises, l'Etna nous est apparu, massif, enneigé, conique, fascinant, bien que situé à plus de 80 kilomètres de notre position. Malheureusement, ces trois heures de navigation côtière, ne nous pas encore permis de prendre enfin le poisson qui amorcerait la pompe cette année. Et toute la périphérie d'Augusta est une énorme zone industrielle axée sur la pétrochimie, avec terminaux off-shore, hautes cheminées, aéroréfrigérants, colonnes de distillations, pétroliers géants au mouillage ou à quai. Bref, rien à voir avec Syracuse, inscrite au patrimoine mondial de l'humanité.

Malgré le fort vent de sud, nous pensions, sur la foi de nos cartes, trouver un mouillage confortable dans cette grande baie. Il n'en a rien été, et malgré nos recherches approfondies, tous les sites possibles étaient impraticables, majoritairement occupés par des engins portuaires et surtout pas une considérable flotte de guerre italienne alignant des dizaines d'avisos et patrouilleurs. Nous étions à deux doigts de repartir, lorsqu'une opportunité nous est apparue, à l'abri d'un petit fortin dans une zone militaire. Nous avons mouillé en surveillant la tenue de l'ancre, jusqu'à ce qu'un zodiac nous aborde en nous disant que nous ne pouvions pas rester là, mais nous offrant un poste à quai dans le port militaire tout proche. La manœuvre n'était pas facile, mais ils nous ont aidé et, du coup, nous étions bien abrités avec, en plus, la possibilité de débarquer pour visiter la ville d'Augusta. Nous avons décliné nos identités, en sorte que le poste de garde de cette enceinte nous laisse sortir et surtout revenir après notre promenade.



La ville est triste, moche, sale, sans intérêt, sauf une rue principale nord-sud, pavée de grosses pierres basaltiques noires, en sens unique, où il y avait une grande animation et de nombreux commerces de toute sortes. Nous avons rachetés quelques petits fruits et légumes avant de retourner à bord avant la nuit, car nos vélos n'ont pas d'éclairage. En fait, Augusta est une ville de garnison très importante et toute la périphérie est industrielle. Aucun intérêt pour un plaisancier, mais nous ne regrettons pas notre escale compte tenu de l'accueil charmant que nous avons eu de la part des marins italiens.

Augusta baie industrielle



A peine couchés, après quelques photos des illuminations de la baie, un énorme explosion suivi d'un bruit de réacteur à pleine puissance, nous a faire gicler hors de notre couchette. De l'autre côté de la baie, un champignon de fumée était visible mais aucune flamme. Après une dizaine de minutes, le bruit de réacteur a commencé à diminuer, et nous avons pensé qu'une grosse canalisation sous haute pression, ou un réservoir de gaz avait laissé échappé son contenu dans l'atmosphère, espérant que ce ne soit pas toxique. Mais comme il n'y a eu aucune sirène, aucun gyrophare, aucun symptôme de catastrophe, nous nous sommes recouchés. Bizarre. Nous essaierons d'en savoir plus, si possible.